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Solitude
SOLITUDE.
« A la campagne, la solitude nait de la diminution du nombre d’habitants, de leur éloignement des grandes agglomérations urbaines. En ville la solitude s’inscrit dans un contexte d’anonymat. » Michel Hannoun.
« Dans les villes de grande solitude, moi le passant mal protégé, par dix mille ans de servitude ... » chante le poste sur le tracteur Renault 800 chevaux multifonctions d’un jeune agriculteur célibataire. En cette fin de millénaire, l’homme se retrouve face à lui-même. La citation de Michel Hannoun fait entrevoir les causes parfois paradoxales de ce sentiment de solitude, qui règne dans les villes comme à la campagne.
Ainsi dans les grandes cités où grouillent les hommes, la solitude est matériellement impossible, pourtant l’individu se perd dans la masse, le facteur connaît son nom mais ne le voit pas, le boulanger l’accueille à bras ouverts mais ne sait pas où il habite, le voisin le rencontre tous les matins mais ne sait pas ce qu’il fait. L’homme des villes plonge tous les jours dans cette foule pour parcourir le trajet interminable qui mène à son travail. Là, il retrouve ses collègues, mais les cadences infernales, la manière dont sont dispersées les tâches, les utilisations incontournables de l’ordinateur empêchent l’épanouissement des contacts humains. Le soir venu, il rentre moins pressé, mais fatigué pour retrouver son studio mal éclairé où l’écran de télévision tient une place centrale. Les week-ends sont l’occasion parfois de retrouver la campagne originelle et quelques amis d’enfance qui ont eu la chance de rester dans ce monde, où subsistent de vraies valeurs humaines.
C’est vrai dans le bourg tous se connaissent, depuis longtemps. Les commères sont là pour entretenir cette connaissance. Mais cette cohabitation impudique est vite gênante et finalement on préfère se retirer dans sa maison à tondre sa pelouse, à bricoler dans son garage, pour son compte. Les métiers des campagnes sont souvent des métiers d’artisans et la solitude est de rigueur. Les jeunes sont rares et s’ennuient de voir toujours les mêmes têtes, aussi, s’ils le peuvent, ils vont à la ville prendre un bain dans la foule qui grouille. Le soir venu, ils rentrent, la tête pleine, à la maison calme, vaste et bien éclairée où le silence les effraie. Ils allument l’écran de télévision qui tient une place centrale.
Qu’il soit dans les villes où dans les champs l’animal grégaire qui est en l’homme souffre. A toutes ces réunions conviviales d’antan il a trouvé un succédané : la télévision. Mais le manque de vitamines relationnelles persiste et l’ingéniosité humaine se démène pour trouver des ersatz artificiels. Les téléphones portatifs, Internet et autres nous préparent une ère promise de communication. Mais l’homme aura-t-il encore quelque chose à dire?
1998