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Vu à la télé
Vu à la télé.
La vue est un sens merveilleux.
Elle permet aux nourrissons de voir le jour. Au jour d’être éclairé par la lumière. A la lumière de briller dans les yeux des enfants. Aux enfants d’être sages comme des images. Aux images de peupler nos rêves. Aux rêves d’être en couleur. En couleur comme la télé. On pourrait croire que ces lignes se sont mal terminées mais cela ne fait que commencer. C’est le début de cette boite noire qui lorsqu’elle luit, par ses couleurs nous happe dans son intimité. Nous sommes plusieurs, là, assis à la regarder, pourtant elle ne regarde que moi et je lui prouve ma reconnaissance par mon assiduité. Elle me balance des pubs plein les yeux mais son moment est bien choisi et je persiste jusqu’au dénouement. Les garçons et les filles sont belles, les actualités choquantes, les dessins animés. Elle m’entraîne autour du monde et plus loin jusque dans le virtuel. Elle est devenue la drogue de l’homme moyen, pas chère mais efficace contre le stress, l’ennui, les relations avec autrui. Cette drogue qui obnubile les peuples par ses pouvoirs hallucinogènes est le nouvel opium.
Pourtant Jean Nohin, Pierre Tchernia et les autres Parmentiers de la télévision ont peint mes premières années en noir et blanc. Patrick Sabatié, Sébastien et les autres ont bariolé le reste de ma carrière de téléspectateur, pourtant je ne suis pas en manque. Je suis venu, j’ai vu, je n’ai pas touché, ni vécu mais ma tête est pleine de souvenirs, d’aventures, de visages... Les neurones qui peuplent mon cerveau, titillés par les photons du tube cathodique, ont créé des liaisons entre eux, ils sont solidaires les uns des autres. Les images de guerres et de camps ont fait des traces comme des brûlures. Le lion peut s’éteindre en Afrique, il sera toujours, ardent dans mon magnétoscope cérébral, poursuivant la faible antilope. Le sourire de Fernandel vit sur mon cortex.
Cet écran pervers est aussi une fenêtre vers l’ailleurs, le trop cher, trop loin, l’interdit. Par l’intermédiaire de la parabole il entretient la lueur de la liberté dans les pays où l’on veut faire croire que la terre est plate. C’est aussi une lorgnette sur la vie politique.
Elle est tellement vivante qu’elle nous fait parfois perdre notre temps mais la renier c’est refuser le présent et l’avenir. La télévision est à consommer avec modération en sachant qu’elle rapporte énormément aux diffuseurs, mais apporte une vision du monde moderne synthétique et représentative au spectateur. Son rôle pédagogique n’est plus à démontrer. Elle offre la culture du voyageur sans déformer les valises. Mais la mondialisation change la donne, les chaînes de qualité ne sont plus accessibles à tous. Le droit à l’informatélévision ne va-t-il pas être étouffé lentement par un certain élitisme?
1998