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Gare aux parachutistes en herbe
Gare aux parachutistes en herbe !
Vers mes quinze ans, les images en direct de la mort d’un homme en deltaplane ont laissé une petite cicatrice dans mon cerveau. Zorro n’a laissé qu’un Z mais cet homme en détresse se débattant frénétiquement pour redresser son appareil n’a qu’accentué ma peur du vide, en s’écrasant contre ce sol assassin. Ces images me sont venues en effleurant la souris sur l’icône « souvenirs pénibles de ma vie ». Cela aurait pu être « les envahisseurs », l’assassinat de Kenedy, vidéo gag ou la course effrénée d’une antilope poursuivie par un lion. Mon cerveau a été fouetté des années durant par ce martinet qu’est la télévision. Certains psychologues pensent que les films d’épouvantes peuvent être un entraînement afin de mieux appréhender les événements, un peu comme l'entraînement des cosmonautes ou le service militaire. Mais tout le monde n’est pas apte à aller dans l’espace... Pendant des siècles les contes ont préparé gentiment les enfants à leur vie dure d’adulte. Leur apprentissage de la vie a été progressif, mais à l’aurore des deux mille ans tout s’accélère à cause de cet écran qui luit au cœur du foyer. Les images happent les enfants au passage et les emmènent dans des mondes virtuels si réalistes que les petits spectateurs ne distinguent plus le possible de l’impossible. En regardant « Superman » ma petite fille a cru qu’en mettant les poings en avant on pouvait voler. Ne devrait-on pas munir les téléviseurs du tri sélectif de spectateur? Ne serai-ce pas un retour en arrière? Le tri sélectif existe déjà sur les chaînes à péage, beaucoup sont obligé de prendre la nationale. Et puis les enfants ne sautent pas par la fenêtre une cape rouge sur le dos, heureusement les bons vieux réflexes humains ont toujours leur utilité. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas traumatisés, ils sont plus développés, moins bloqués, parfois plus difficiles à supporter que nos générations disciplinées mais ces images de vérités ne contrastent-elles pas avec ces contes à l’eau de rose dont nous avons été bercés? Malgré ses ancestrales éducations l’homme a déjà failli faire exploser la terre et l’a déjà salie
en grande partie, alors pourquoi la relative vérité sortie d’un écran que l’on peut éteindre serait-elle nuisible?
Nos sociétés en pleine mutation seront-elles toujours peuplées d’enfants bernés par l’histoire du père Noël?
1998